David Row at Galerie Thaddaeus Ropac
November, 1991
by Paul Ardgenne
Art Press

Galerie Thaddaeus Ropac
13 septembre – 1er octobre 1991

David Row at Thaddeus Ropac Gallery in Paris, 1991

II y a peu, une exposition parisienne venait bousculer le standard esthetique actuellement dominant : peinture et colorisme, y montrait on avec evidence, s’averent encore d’actualite, et cela a l’heure meme de (‘objet et du second degre triomphants. Pour dire vite, (‘option creative retenue par David Row, jeune artiste americain, s’inscrit dans cette lignee. Si notre époque, plus qu’aucune autre, tend a (‘obliteration de sa memoire, Row, quant a lui, entend bien prendre en charge une tradition : Cel le de l’espace plan, de la couleur et de (‘abstraction, de l’agencement et du fragment. A s’en tenir déjà au seul titre d’une des toiles presentees, Qui a peur du magenta, du bleu sombre et du jaune ?, on inclinera ainsi pour le manifeste ou l’hommage, au choix. Maniere en tout cas de revendiquer un heritage, et d’en user. La grande peinture abstraite americaine, celle des Marden, Rothko, Newman, Reinhardt, n’est jamais loin de ces constructions classiques, d’huile et de cire, ou s’impose sans detour le souci de 0 picturalite. Parataxis, Deep focus : de tels titres, encore, designant chaque fois le meme module peint trois toiles montees ensemble, generatrices d’effets picturaux contrastes), viennent aussi rappeler combien la perception visuelle regit fondamentalement notre sensation de 0 peinture. Telle qu’elle se presente a l’ceil, cheque ceuvre de Row eveille alors le sentiment dune nostalgie, elle en appelle a r evidence selon laquelle, la fois, la peinture fut et se perpetue. Oeuvre a rebours du temps, en quelque sorte, forte d’intemporalite. Ou le conceptuel a pu, a son heure, denier a la vision toute valeur autre qu’informatrice — la vision en tant que ce regard qu’un discours vient renseigner —, Row valorise a contrario la these dune permanence de la peinture comme matrice a promouvoir du visible, comme machine de vision. On s’en voudra bien sur, a ce propos, de reprendre a notre compte la formule de Paul Virilio, formule visant la mecanisation de la vision contemporaine a travers une machinerie toujours plus sophistiquee. Chez Row, c’est la toile merne qui a charge de guider la vision, d’en orchestrer les deplacements, a l’instar d’une partition. L’important, c’est que rceil soit merle. Au total, bien apres l’heure de sa mort proclamee, un engagement pour la peinture comme pole de sensation : le signe d’un retour a la question centrale de la visibilite ?